Monsieur
le Premier Ministre,
Monsieur
le Maire,
Monsieur le
Vice-Président de la Communauté Urbaine de Bordeaux, Mesdames et Messieurs les
élus,
Chers
amis,
Tout
d’abord, je dois vous dire que me retrouver ainsi devant vous m’est une épreuve
mille fois plus angoissante que de diriger les 1000 artistes du Requiem de
Berlioz ! Ou les 6000 choristes du Théâtre Antique de Vaison la Romaine !
Je suis habituée à
jouer une partition avec des partenaires :
choristes,
instrumentistes et c’est ensemble que nous partageons la création d’une
partition écrite par un artiste qu’en général nous apprécions et vénérons.
Mais là je suis
seule, même si vous êtes nombreux aujourd’hui, ce dont je vous remercie
infiniment.
Recevant cette
décoration après un jubilé qui m’a comblée au delà de toute espérance en
décembre dernier, je me retourne sur le chemin parcouru et y retrouve, au
détour de chaque virage, les visages des personnalités et amis qui m’ont aidée
à le parcourir.
La ligne n’était pas
droite, les difficultés étaient nombreuses, la place des femmes-chefs dans la
musique n’étant pas, au début de ma carrière, celle d’aujourd’hui.
Je rends ici hommage,
dans le désordre évidemment, car il ne peut y avoir aucune hiérarchie :
- à mes parents qui
nous ont offert, à mon frère et à moi-même, la possibilité d’accéder à un art
musical qui était à des années-lumière du quotidien de beaucoup de berrichons
de cette époque.
Je n’oublie pas cette institutrice rurale qui dans les années 1920 jouait du violon à ses petits campagnards.
Ma mère était de ceux-là, et c’est alors qu’elle s’était juré, si elle avait des enfants, de leur faire apprendre la musique !
- à mon maître,
Charles Brown, compositeur et directeur du conservatoire de Bourges, inoculant
dans mes veines de violoniste le virus de la direction.
J’ai toujours à l’oreille sa voix vibrante, nous houspillant avec bienveillance du haut du 3ème étage de l’Ecole de Musique (ce n’est pas bientôt fini ce vacarme les vierges folles !!!),
- à mon premier mari, Alain, qui m’aida à m’affranchir de ma grande timidité pour me jeter à fond dans la direction de chœur, devenue ma passion,
- à vous mes enfants,
Patricia et Eric, qui avez alors dû subir le quotidien « mouvementé »
d’une vie artistique.
Mes chéris, je vous embrasse,
- à mes maîtres et amis Erwin List, Philippe Caillard, Stéphane Caillat qui m’ont enseigné les premiers rudiments de l’art de la direction de chœur,
- au mouvement A Cœur
Joie, moteur d’un développement important du chant choral en France, dans une perspective qui était d’abord celle du rassemblement des peuples qui
venaient de se déchirer avant de se lancer dans une recherche plus qualitative.
Cette démarche intervenait au moment où un certain Fernand Raynaud créait un
personnage caricatural (Mademoiselle Lelonbec), immédiatement ancré dans une
mémoire collective marquée par une pratique très amateur au mauvais sens du
terme!
Il a fallu beaucoup batailler pour transformer cette image négative du chant choral dans notre pays !
- J’ai eu la chance de
rencontrer César Geoffray, fondateur du mouvement, qui a cru en moi très vite
en me nommant instructrice du mouvement A Cœur Joie, et j’ai été heureuse de
lui rendre hommage plusieurs fois, notamment en créant une de ses œuvres les plus
fortes, la Danse des Morts.
- Je veux aussi rendre
hommage à mon premier formateur en direction d’orchestre, dont je tairai
charitablement le nom, concluant oralement mon appréciation de fin de stage
par : « Eliane, dommage que tu
sois une femme, tu aurais pu faire carrière… ! ».
Ceux qui me connaissent savent que mon esprit de contradiction ne pouvait que m’inciter à lui donner tort !
Il s’est passé une chose analogue avec Marcel Couraud, alors directeur du Groupe Vocal de France, me disant :
« Eliane, avec ton potentiel, ne va surtout pas te commettre avec les amateurs, ils vont te phagocyter et tu pourras faire une croix sur une carrière professionnelle ». Mêmes causes, mêmes effets… j’ai beaucoup donné avec les amateurs… qui m’ont beaucoup rendu !
- Au regretté Arthur Oldham, ancien chef des chœurs de l’Orchestre de Paris, qui m’a donné les clefs du travail avec un Chœur Symphonique et offert l’opportunité magnifique de travailler avec Claudio Abbado.
- A Marcel Boiteux, alors président de la Fondation
EDF, qui a permis notre premier voyage en Chine en 1989.
Nous n’oublierons jamais que 1 mois après notre tournée, les musiciens de l'Orchestre de Shanghai jouaient « La Marseillaise » sur « nos » partitions dans la rue pendant les évènements de Tien an men
Un autre événement, indépendant de son soutien est quand même à mettre à son actif, puisque c’est à l’occasion du premier voyage de préparation de cette tournée en Chine que l’AMOUR s’est invité à 10 000 pieds de la terre entre la chef et le président, et 25 ans après, il est toujours au rendez-vous !
- Je n’oublie pas Maître Roberto Benzi qui m’a permis d’approfondir ma formation de chef d’orchestre lors de séances où la rigueur et l’amitié trouvaient un bel équilibre,
- les directeurs de l’opéra de Bordeaux : Gérard Boireau, Thierry Fouquet…
- les chefs qui se sont succédés, Roberto Benzi, Alain Lombard, Hans Graf, qui m’ont témoigné une confiance sans faille, m’engageant avec mes chœurs dans la plupart de leurs productions lyriques et symphoniques.
- Je rends hommage à Bernard Lummeaux, conseiller à la Musique de la DRAC qui m’a donné sa confiance en me nommant directrice du Centre d’Art polyphonique d’Aquitaine dès sa création, et à son successeur Patrick Le Dauphin-Dubourg, avec lequel, malgré l’affirmation nette de certaines différents, les relations ont toujours été marquées d’un profond respect mutuel,
- aux directeurs successifs du Conservatoire de Bordeaux, qui m’ont toujours donné sans condition leur confiance totale dans la pratique de mon enseignement, notamment Michel Fusté-Lambezat avec qui nous avons mis en marche, en son temps, une formation musicale à travers la pratique chorale pour tous les élèves, Jean-Luc Portelli qui m’a donné publiquement son soutien total, à une période où les esprits étaient quelque peu échauffés,
- à Odette Trupin, ancienne députée, qui n’a pas hésité à concrétiser la foi qu’elle avait en mes capacités d’artiste et de pédagogue, notamment en me remettant la décoration de Chevalier de l’Ordre national du Mérite après celle de Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques,
- à vous, Monsieur le maire, lors de votre mandat de premier ministre, pour votre soutien auprès de votre collègue des Affaires étrangères, afin que nous puissions honorer l’invitation qui nous était faite de représenter la France en Australie et en Nouvelle Zélande,
- aux représentants des collectivités territoriales (Région Aquitaine, Département de la Gironde, Ville de Cenon) qui ont adhéré à mon action en faveur du développement culturel par la pratique chorale,
- à tous les chanteurs
et instrumentistes, amateurs et professionnels, (il me serait bien difficile de
les dénombrer !), qui m’ont suivie ou rejointe au cours de ces décennies
et sans qui un chef n’est RIEN !
- enfin, à tous les
bénévoles qui m’ont aidée à faire vivre les groupes que j’ai eu le plaisir de
diriger :
L’ensemble Vocal d’Aquitaine,
Le Madrigal de Bordeaux,
Le Chœur Symphonique de Polifonia,
L’Orchestre Aquitaine Hauts de Garonne,
et en particulier aux présidents de ces groupes :
je pense à Bernard Lanoue, Jean Baudry, André Lacroix, Bernard Causse, Françoise Rouquié, François Tabanous, Odette Trupin,
- et toi, Daniel
Chrétien qui préside depuis plus de 10 ans aux destinées actuelles de Polifonia
avec la rigueur du chef d’entreprise et la souplesse du fin mélomane que tu es,
mélange rare et ô combien nécessaire !
Merci pour ton amitié sans faille !
- Je ne peux cependant
terminer sans parler de la chance infinie qui m’a été donnée de rencontrer mon
mari, Bernard, qui s’est donné pour mission de favoriser par tous les moyens
dont il dispose la mission que moi, je m’étais donnée : faire goûter au plus grand nombre les émotions artistiques les plus grandes,
sans concession concernant l’exigence et la qualité !
J’ai trouvé en lui la compréhension, la fidélité, le dévouement, la ténacité, la complicité et bien sûr l’AMOUR !
Que demander de plus.
Pour conclure, je me
réjouis de recevoir cette distinction de vous-même, monsieur Juppé, Maire de la
Ville de Bordeaux, cette si belle ville dans laquelle j’ai donné de nombreux
concerts, offert à de nombreux bordelais des émotions artistiques et
humaines ; vous qui avez enfin donné au public mélomane le magnifique
auditorium que nous attendions tous !
Il est vrai que la musique, (et le chant
choral en particulier), est l’art qui transforme la personne humaine le plus en
profondeur, en réunissant, au delà des clivages sociaux et politiques, les
bonnes volontés dans une transcendance qui nous est aussi vitale que l’air et
l’eau.
L'assemblée rend hommage à Eliane |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire