Charles Brown entend depuis son bureau directorial du troisième étage de l’École Nationale de Musique de Bourges, éclats de voix et rires en cascades. N'y tenant plus, il ouvre la porte et se penche sur la cage d'escalier pour apercevoir les trois jeunes filles en plein conciliabule : « Eh, les vierges folles, c'est pas fini ce bazar ? » lance-t-il de sa voix la plus sévère, déclenchant la réaction immédiate du petit groupe qui s'éparpille dans les salles avoisinantes pour reprendre le travail, qui de son piano, qui de son violon.
Notre Éliane reprend inlassablement ce trait difficile du concerto de Max Bruch qu'elle doit interpréter pour son prochain examen, mais elle garde présent à son esprit ce moment où son cher directeur (et fin compositeur) lui a laissé la direction de l'orchestre d'élèves - où jouait également son frère Alain, apprenti-violoncelliste - de manière tout à fait impromptue : elle y a découvert le pouvoir du geste qui déclenche le discours musical commun des instrumentistes reliés magiquement entre eux par la baguette qui annonce le piano, le forte, le rubato, la joie, la peine, l'amour...
Notre Geneviève avait réalisé l'un de ses rêves: inoculer à ses enfants le virus de la musique !
Introït du "Requiem" de Charles Brown, dédié à son épouse chanteuse. Cette œuvre a été créée par le Madrigal de Bordeaux qui l'a interprétée lors des obsèques du compositeur en octobre 1988.
