Ils
se baissèrent pour entrer dans le minuscule restaurant qui ne payait vraiment
pas de mine. Le bonheur qui irradiait de leur couple leur valut un accueil
chaleureux : tout se passa par signes, une sympathique cuisinière apportant un œuf, une tomate et autres ingrédients connus (ou pas !) pour recueillir leur
approbation... s'ensuivit un délicieux repas sous les yeux ébahis des clients
pour lesquels cette blonde européenne était vraiment une attraction!
Ils se perdirent dans les ruelles de Shanghai, essuyèrent une averse torrentielle au sortir d'un pont mais cela n'avait aucune importance, invincibles qu'ils étaient de leur découverte mutuelle. La fleur de jasmin achetée sur un enivrant petit marché près de la salle de concert sublimait l'intérêt du programme de musique chinoise contemporaine auquel ils assistaient.
Ils se perdirent dans les ruelles de Shanghai, essuyèrent une averse torrentielle au sortir d'un pont mais cela n'avait aucune importance, invincibles qu'ils étaient de leur découverte mutuelle. La fleur de jasmin achetée sur un enivrant petit marché près de la salle de concert sublimait l'intérêt du programme de musique chinoise contemporaine auquel ils assistaient.
La
grâce irréelle de leur hôte déposant délicatement les mets dans leurs assiettes
lors du repas officiel, leur semblait participer de l'enveloppe nouvelle,
invisible et incroyablement évidente, qui protégeait leur couple...
Hélène avait dit en forme de boutade, quatre ans
auparavant, lors d'un conseil d'administration : « et si on allait en
Chine ? ». Tout le monde avait bien ri, Bernard le premier, et on était
passé au point suivant de l'ordre du jour !
Mais, dans l'esprit du tout nouveau président qu'il
était, à l'affût d'une idée nouvelle permettant de mettre en valeur le chant
choral et l'Ensemble Vocal d'Aquitaine, une graine avait germé : on forma une
commission « Chine » qui, sous l'impulsion d'une Hélène qui n'avait
peur de rien, monta des dossiers, établit des contacts, prit d'improbables
rendez-vous : nous étions en 1984, le projet n'était pas évident,
notamment en ce qui concernait le financement, de très nombreux choristes
n'ayant absolument pas les moyens de « se payer quinze jours de
vacances » en Chine !
Des hasards jouèrent en leur faveur : François,
une des chevilles ouvrières du mouvement A Cœur Joie aquitain qu'Eliane avait
« remonté » quelques années auparavant, travaillait à EDF qui
construisait à ce moment là une centrale à Daya Bay, près de Canton, donc ce
type de projet était de nature à renforcer la cohérence du mécénat qui se
dessinait.
Dans une incroyable prémonition, l'affiche d'un
concert « Chérubini » de janvier 1988, organisé avec le soutien
d'EDF, titrait « Le coup de foudre »... que rien ne laissait
présager ! D'autant qu'un désaccord important se manifestait en mai en plein
conseil d'administration entre la directrice musicale et le président, ce
dernier envisageant même de ne pas participer au voyage préparatoire, laissant
sa place à Hélène.
Celui qui n'était alors qu'un chanteur amateur, dans
une tradition familiale « bon enfant », ne percevait pas encore tous
les enjeux de l'encadrement professionnel de cette pratique, dont notre héroïne
était alors un des fervents porte-paroles, ouvrant la voie à une évolution
qualitative majeure du chant choral français dans ces trente dernières années.
Mais -sic fata sinant- ainsi les Parques
l'avaient filé, tout concourrait à cette rencontre, les choristes, après une
fête de l'EVA particulièrement réussie, accompagnant dans une euphorie
noctambule et prémonitoire le couple -qui n'en était pas encore un- gare
Saint-Jean pour ce qui, à posteriori, ressemblait fortement à un voyage de
noces...
Certains parlèrent du pouvoir de l'exotisme, de
l'ivresse des voyages à 10.000 mètres... insuffisant pour nourrir déjà vingt
quatre ans de vie commune, où l'osmose a donc très largement dépassé les trois
ans prévus par les « scientifiques » de l'amour !
Un an après, un mois à peine avant les évènements de
la place Tien an men, 80 choristes de l'Ensemble Vocal d'Aquitaine accompagnés
de l'Orchestre Symphonique de Shanghai sous la direction de la blonde
européenne chantaient Fauré, Mozart, Bizet et Berlioz dans la grande salle de
concert de la mégapole où le bleu de travail et les vélos étaient encore
majoritaires dans les rues. Des liens solides s'y nouaient -permettant en
particulier le retour du groupe en Chine, mais cette fois à Wuhan, en 2007- et
l'Orchestre de Shanghai jouait la « Marseillaise » orchestrée par
Berlioz dans la rue pendant les événements de 1989, sur les photocopies des
partitions apportées par le groupe...
« J'en pince pour
toi ! »
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